Acheronta  - Revista de Psicoanálisis y Cultura
Le séminaire Encore "de" Jacques Lacan
Comparaison de quatre versions
Norma Ferrari - Hector de Maio - Michel Sauval

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6 - Le corps de l'autre/Autre

Ce point devrait faire partie de la section des homophonies. Mais, vu son extension nous avons préférer le séparer.
Nous avons vu comme a la première séance du séminaire, la version Seuil éliminait un paragraphe ou Lacan expliquait de quel Autre/autre il s’agissait quand il parlait de « la jouissance de l’Autre » et « du corps de l’autre ».
Répétons ce paragraphe:

Version Seuil
Page 11, deuxième paragraphe
Version
VRMNAGRLSOFAFBYPMB
Je sors, et une fois de plus, j'écrirai sur la porte, afin qu'à la sortie, peut-être, vous puissiez ressaisir les rêves que vous aurez sur ce lit poursuivis. J'écrirai la phrase suivante - La jouissance de l'Autre, de l'Autre avec un grand A, du corps de l'Autre qui le symbolise, n'est pas le signe de l'amour. J'écris ça, et je n'écris pas après terminé, ni amen, ni ainsi soit-il L'amour, certes, fait signe, et il est toujours réciproque Je sors, et une fois de plus j’écrirai sur la porte, dans la fin qu’à la sortie peut-être vous puissiez vous rendre compte des rêves que vous aurez sur ce lit poursuivis, la phrase suivante : la jouissance de l’Autre, de l’Autre avec… il me semble que depuis le temps ça doit suffire que je m’arrête là, je vous en ai assez rebattu les oreilles de ce grand A qui vient après, et que maintenant il traîne partout, ce grand A mis devant l’Autre, plus ou moins opportunément d’ailleurs, ça s’imprime à tort et à travers, la jouissance de l’Autre, du corps de l’autre qui Le, lui aussi avec un grand L, du corps de l’autre qui Le symbolise n’est pas le signe de l’amour.
J’écris ça, je n’écris pas après : terminé, ni amen, ni ainsi soit-il.
<Elle> n’est pas le signe, c’est néanmoins la seule réponse. Le compliqué c’est que la réponse elle est déjà donnée au niveau de l’amour, et que la jouissance de ce fait reste une question, question en ceci que la réponse qu’elle peut constituer n’est pas nécessaire d’abord. Ce n’est pas comme l’amour.
L’amour, lui, fait signe et, comme je l’ai dit depuis longtemps, est toujours réciproque

On croirait qu’il n’y a pas de doute par rapport a la formule « la jouissance de l’Autre » : quand le sens du « de » est subjectif, on devrait écrire Autre, avec majuscule, et quand le sens du « de » est objectif, on devrait écrire autre, avec, minuscule. Des 9 fois que cette formule apparaît dans le séminaire complet, dans tous les cas est utiliser le sens subjectif, et toutes les version semblent coïncider sur ce point

Mais, ¿qu’y a t-il pour la formule « le corps de l’autre » ?

¿Quel est le sens de parler du corps en relation a « l’autre » ou a « l’Autre » ?

La formule « le corps de l’autre » apparaît 21 fois (1), au total, tout au long du séminaire. Pour toutes les apparitions antérieures au séminaire Encore, toutes les versions semblent s’accorder a écrire toujours « autre » avec minuscule. Mais pour le séminaire Encore, la version Seuil écrit « Autre », avec majuscule, tandis que la version VRMNAGRLSOFAFBYPMB écrit "autre", avec minuscule. Et chaque version se maintient dans sa position tout au long de ce séminaire.

Le paragraphe éliminé par la version Seuil à la première séance argumente, explicitement, l’écriture avec minuscule, tel que l’indique la version VRMNAGRLSOFAFBYPMB dans la note au pied de page, numéro 9 : Lacan indique que « Le symbolise » s’écrit avec « L » majuscule ; donc, c’est « l’Autre » qui est symboliser par « le corps de l’autre » (¿quel sens aurait d’écrire que « le corps de l’Autre » symbolise « l’Autre » ?)

Nous aurions, alors, deux formule équivalentes :

ou le sens du premier « de » est subjectif y le sens du deuxième « de » est objectif.

Il est intéressant de noter que les traducteurs de la version Paidos, même sans compter (supposément) avec le paragraphe de la première séance éliminé par la version Seuil, mais raisonnant de la même façon, ont corrigé la version Seuil et ont écrit (mais seulement pour cette première séance ) « cuerpo del otro » (« corps de l’autre »), avec minuscule.

Pour tout le reste du séminaire, la version Paidos s’accorde sur la version Seuil et écrit « corps de l’Autre » avec majuscule

Une analyse conceptuelle de cette formule s’impose mais, comme dans les indications précédentes, ce travail se limite au signalement et commentaires de quelques différences remarquables entre les différentes versions.

Des 7 fois que la formule apparaît dans le séminaire, 4 correspondent a la séance du 21 novembre et 3 correspondent a la séance du 19 décembre

Nous avons retranscrit plus haut la première occasion de la séance du 21 novembre. Voici les 3 autres :

  Version Seuil VRMNAGRLSOFAFBYPMB

1

La jouissance – jouissance du corps de l’Autre – reste, elle, une question, parce que la réponse qu’elle peut constituer n’est pas nécessaire (page 11) Alors bien sur, ça explique que la jouissance du corps de l’autre, elle, ne soit pas une réponse nécessaire.

2

Alors, d’où part ce qui est capable, de façon non nécessaire, et non suffisante, de répondre par la jouissance du corps de l’Autre? (page 11) Alors, d’où part, ça, qui est capable, certes, mais de façon non nécessaire, non suffisante, de répondre par la jouissance, jouissance du corps, du corps de l’autre?

3

C’est pourquoi le surmoi tel que je l’ai pointé tout à l’heure du Jouis! est corrélat de la castration, qui est le signe dont se pare l’aveu que la jouissance de l’Autre, du corps de l’Autre, ne se promeut que de l’infinitude. (page 13) Et c’est pourquoi le surmoi, tel que je l’ai pointé tout a l’heure du jouis!, est corrélat de la castration qui est le signe dont se pare l’aveu que la jouissance de l’Autre, du corps de l’autre, ne se promeut que de l’infinitude

Dans les 3 occasions (quoique plus explicitement dans les deux premières, qui, d’autre part, sont très proches entre elles), l’équivalence entre les formules « jouissance de l’Autre » et « jouissance du corps de l’autre » est évidente.

¿Quel sens aurait cette équivalence si dans les deux formules on écrivait « Autre » avec majuscule ? ¿C’est le « corps de l’Autre » qui jouirait ou c’est « l’Autre » qui jouirait de son propre corps ? ¿Quel est le sens du « de » à chaque occasion ?

C’est le même problème qui se pose à la séance du 19 décembre.

Mais avant de les retranscrire, voyons encore un paragraphe de la séance du 21 novembre qui apporte aussi quelques éléments, et d’une façon très coïncidente avec les différences que nous trouverons a la séance du 19 décembre.

Version Seuil
Pages 12/13
Version
VRMNAGRLSOFAFBYPMB
Mais l’être, c’est la jouissance du corps comme tel, c’est à dire comme asexué, puisque ce qu’on appelle la jouissance sexuelle est marqué, dominé, par l’impossibilité d’établir comme tel, nulle part dans l’énonçable, ce seul Un qui nous intéresse, l’Un de la relation du rapport sexuel Mais l’ être c’est la jouissance du corps comme tel, c’est-à-dire comme a,
mettez-le comme vous voudrez
comme
a sexué,
puisque ce qui est dit jouissance sexuelle est dominé, marqué par l’impossibilité d’établir comme tel, nulle part dans l’énonçable, ce seul Un qui nous intéresse, l’Un de la relation : rapport sexuel

On remarque que la version Seuil a éliminé une claire indication de Lacan pour établir une équivalence entre « corps » et « objet a », indication qui permet, alors, d’écrire « a sexué » d’une façon différente et de penser le corps comme objet a sexué (ce qui va dans le sens d’écrire « le corps de l’autre » avec minuscule).

Passons alors a la séance du 19 décembre. Nous transcrivons 5 paragraphes qui se suivent (numérotés entre parenthèse).

Version Seuil
Page 26, a moitié de page
Version
VRMNAGRLSOFAFBYPMB
(1) Pour situer, avant de vous quitter, mon signifiant, je vous propose de soupeser ce qui, la dernière fois, s’inscrit au début de ma première phrase, le jouir d’un corps, d’un corps qui, l’Autre, le symbolise, et comporte peut-être quelque chose de nature à faire mettre au point une autre forme de substance, la substance jouissante.

(2) N’est-ce pas la ce que suppose proprement l’expérience psychanalytique ? – la substance du corps, a condition qu’elle ne se définisse seulement de ce qui se jouit. Propriété du corps vivant sans doute, mais nous ne savons pas ce que c’est que d’être vivant sinon seulement ceci, qu’un corps, cela se jouit. Cela ne se jouit que de le corporiser de façon signifiante.

(3) Ce qui implique quelque chose d’autre que le partes extra partes de la substance étendue. Comme le souligne admirablement cette sorte de kantien qu’était Sade, on ne peut jouir que d’une partie du corps de l’Autre, pour la simple raison qu’on n’a jamais vu un corps s’enrouler complètement, jusqu’a l’inclure et le phagocyter, autour du corps de l’Autre. C’est pour ça qu’on en est réduit simplement à une petite étreinte, comme ça, à prendre un avant-bras ou n’importe quoi d’autre – ouille!

(4) Jouir a cette propriété fondamentale que c’est en somme le corps de l’un qui jouit d’une part du corps de l’Autre. Mais cette part jouit aussi – cela agrée à l’Autre plus ou moins, mais c’est un fiat qu ’il ne peut pas y rester indifférent.

(5) Il arrive même qu'il se produise quelque chose qui dépasse ce que je viens de décrire, et qui est marqué de toute l'ambiguité signifiante, car le jouir du corps comporte un génitif qui a cette note sadienne sur laquelle j'ai mis une touche, ou, au contraire, une note extatique, subjective, qui dit qu'en somme c'est l'Autre qui jouit.

(1) Pour situer avant de vous quitter mon signifiant, je vous propose, je vous propose de soupeser ce qui, la dernière fois, s’inscrit au début de ma première phrase qui comporte le jouir d’un corps, d’un corps qui, « l’Autre, Le symbolise» et comporte peut-être quelque chose de nature à faire mettre au point une autre forme de substance : la substance jouissante.

(2) Est-ce que ce n’est pas là ce que suppose proprement et justement sous tout ce qui ici signifie l’expérience psychanalytique… Substance du corps, à condition qu’elle se définisse seulement de ce qui se jouit. Seulement propriété du corps, vivant sans doute, mais nous ne savons pas ce que c’est d’être vivant, sinon seulement en ceci qu’un corps ça se jouit, et plus, nous tombons immédiatement sur ceci qu’il ne se jouit que de le corporiser de façon signifiante.

(3) Ce qui veut dire quelque chose d’autre que la pars extra partem de la substance étendue, comme le souligne admirablement cette sorte de kantien, disons-le c’est un vieux bateau qui est quelque part dans mes Écrits, qu’on lit plus ou moins bien, cette sorte de kantien qu’était Sade, à savoir qu’ on ne peut jouir que d’une partie du corps de l’autre, comme il l’exprime très très bien, pour la simple raison qu’on n’a jamais vu un corps s’enrouler complètement, totalement jusqu’ à l’inclure et le phagocyter autour du corps de l’autre. C’est même pour cela qu’on en est réduit simplement à une petite étreinte comme ça, un avant-bras ou n’importe quoi d’autre. Ouille !

(4) Et que jouir a cette propriété fondamentale que c’est en somme le corps de l’un qui jouit d’une part du corps de l’autre, mais cette part jouit aussi, ça agrée à l’autre plus ou moins, mais c’est un fait qu’il ne peut pas y rester indifférent.

(5) Et même qu’il arrive qu’il se produise quelque chose, qui dépasse ce que je viens de décrire, marqué de toute l’ambiguïté signifiante à savoir que le jouir du corps est un génitif dont, selon que vous le faites objectif ou subjectif, a cette note sadienne, sur laquelle j’ai mis juste une petite touche, ou au contraire extatique, subjestive, qui dit qu’en somme c’est l’autre qui jouit.

Les paragraphes qui incluent la formule « le corps de l’autre » sont les paragraphes 3 et 4. Nous avons ajoutés les antérieures et postérieures parce qu’ils nous semblent relevants pour cette affaire.

Le premier paragraphe reproduit, pour les relations entre « corps » et « autre », un contexte presque identique a celui de la première apparition de la formule (a la séance du 21 novembre), dans le paragraphe éliminé par la version Seuil, ou Lacan précisait que « Le symbolise » devait s’écrire avec « L » majuscule.

Cette précision renforce, tant dans la séance du 21 novembre comme dans cette séance du 19 décembre, l’argumentation que le « corps de l’autre » vient symboliser « l’Autre », raison pour laquelle le « corps de l’autre » devrait s’écrire avec minuscule.

Lacan propose aussi cette relation a cet autre paragraphe de la séance du 19 décembre (et nous répondons, ainsi, à l’appel du deuxième exemple de l’item 7 «Interventions sur l’énoncé »)

Version Seuil
Page 21, quatrième paragraphe
Version
VRMNAGRLSOFAFBYPMB
Ce qui n'est pas signe de l'amour, c'est la jouissance de l'Autre, celle de l'Autre sexe et, je commentais, du corps qui le symbolise. Ce qui n'est pas le signe de l'amour, je le reprends donc de la première fois, ce que j'ai énoncé de la jouissance de l'Autre, ce que je viens de rappeler à l'instant, en commentant, le corps qui Le symbolise. La jouissance de l'Autre, avec le grand A que j'ai souligné en cette occasion, c'est proprement celle de l'Autre sexe, et je commentais, du corps qui Le symbolise.

La version Seuil (avec sa cohérence) élimine ici une claire et évidente référence de Lacan à ce qu’il a dit a la séance du 21 novembre (éliminé aussi dans la version Seuil), sur les relations entre le « corps » et « l’Autre », et comment le premier symbolise le deuxième.

Revenons alors aux 5 paragraphes antérieurement numérotés, pour noter, au deuxième, cette différence entre les version Seuil et VRMNAGRLSOFAFBYPMB

Ou la version VRMNAGRLSOFAFBYPMB écrit, et l’enregistrement sonore prononce, « un corps, ça se jouit », la version Seuil écrit « un corps, cela ce jouit ».

Ou la version VRMNAGRLSOFAFBYPMB écrit, et l’enregistrement sonore prononce, « il [se référant au corps] ne se jouit que », la version Seuil écrit « cela ne se jouit que ».

« Cela » et « ça », ce n’est pas la même chose.

Les 3 apparitions de la formule aux troisième et quatrième paragraphes renvoient à la problématique de comment ont jouit d’un corps.

Le deuxième paragraphe finit sur l’indication qu’un corps se jouit de « le corporiser de façon signifiante ». ¿Devons nous comprendre que « de façon signifiante » impliquerait que le corps est de « l’Autre » ? On n’y voit pas pourquoi ou comment. Il n’y a pas de corps qui ne soit pas marquer et corporiser par le signifiant. L’articulation de la pulsion au corps implique la coupure signifiante. Ce qui maintient l’écriture de « l’autre », avec minuscule, est la référence au corps avec ses dimensions imaginaire et réel.

Au troisième paragraphe nous avons deux apparitions de la formule « le corps de l’autre » dans un contexte de référence au texte de Kant avec Sade. Dans cet écrit nous trouverons 4 référence au corps, commençant par la maxime sadienne (2), et suivent 3 autres références simples au corps

Finalement, au cinquième paragraphe, nous avons l’indication que « c’est l’autre qui jouit ». ¿Devrions nous considérer cette indication comme une inversion de la formule « la jouissance de l’Autre » ?¿Est-ce l’Autre le seul pour lequel nous pourrions assigner un sens subjectif pour le « de » ?

Nous essayerons de répondre a ces question dans un autre travail. Tel que nous l’indiquions au début, ici nous nous contentons de signaler quelques différences qui soulignent le probleme de « l’établissement » du texte du séminaire.

Notes

(1) De ces 21 fois, 7 correspondent au séminaire « Encore », 3 au séminaire « RSI », 1 au séminaire « Dissolution », 3 au séminaire « Les écrits techniques de Freud », 1 au séminaire « Le désir et son interprétation », 3 au séminaire « L’identification », 1 au séminaire « L’angoisse », 4 au séminaire « La logique du fantasme », et 1 au séminaire « D’un Autre à l’autre ».

Par contre, dans les Écrits, cette formule n’apparaît jamais

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Revista de Psicoanálisis y Cultura
Número 13 - Julio 2001
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