Acheronta  - Revista de Psicoanálisis y Cultura
Le séminaire Encore "de" Jacques Lacan
Comparaison de quatre versions
Norma Ferrari - Hector de Maio - Michel Sauval

Imprimir página

5 - "Corrigeant" Lacan

A plusieurs occasions, Miller "corrige" Lacan.

Voyons la pértinence de ces "corrections" dans chaque cas.

Exemple 1: le dire

D’après la version VRMNAGRLSOFAFBYPMB (nous avons déjà signalé que cette version coincide avec l’enregistrement sonore) Lacan énnonce la bien connue formule de l’étourdit de la manière suivante. :

"le dire est justement ce qui reste oublié derrière ce qui est dit dans ce qu’on entend"

Dans la version Seuil, Miller corrige Lacan et écrit la rédaction finale qui apparait dans l’étourdit:

"Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend" (page 20).

Le " justement" de la version VRMNAGRLSOFAFBYPMB, qui ne fait pas partie de la formule finale, souligne la présence de ce "le dire" qui remplace ici le "qu’on dise" de la formule finale

À notre avis il ne s’agit pas d’un oubli, négligence, ou érreur de la part de Lacan, mais quelque chose que Lacan dit expressement comme ça.

En fait, à ce moment-là Lacan est en train de parler, justement, du "dire". Et deux lignes plus bas on retrouve une différence sur ce terme.

La version VRMNAGRLSOFAFBYPMB et l’enregistrement sonore disent:

"ce qu’on fait du dire reste ouvert"

au même endroit ou la version Seuil dit :

"ce qu’on fait du dit reste ouvert"

Il convient, donc, de faire quelques précisions par rapport à la formule de l’étourdit.

Cet écrit a été publié dans le numéro 4 de Scilicet (pages 5 à 52) paru en 1973. Pourtant, l’étourdit est daté le 14 Juillet 1972, comme texte d’une interventions à Beloeil, c’est à dire, cinq mois avant cette séance du seminaire "Encore".

Dans cette séance d’Encore, peu avant d'énnoncer la formule, et après avoir annoncé la parution du texte l’étourdit dans le numéro suivant de Scilicet, Lacan nous rappele qu'il avait déjà écrit cette formule au tableau, au seminaire de l’année précédente. Malheuresement, Miller supprime tout un paragraphe où Lacan explique pourquoi il n’a pas developpé cette formule à ce moment là

"j’ai trouvé que j’avais mieux a faire, c’est à dire, a entendre quelqu’un qui après avoir bien voulu prendre la parole ici, nommément Recanati, que vous avez entendu une fois de plus la dernière fois, grâce a quoi je peux relever la légitimité du titre du séminaire, grâce a lui donc, je n’ai pas donné suite a ceci" (et là, il prononce la formule).

Nous répondons ici a l'appel de l'exemple 4 du point 1 de Contextes et réferences, soulignant que ce paragraphe eliminé rend compte de ce qui légitime l'élection du titre "Encore" pour ce séminaire, marquant ce qui serait un point de relation de ce séminaire avec l'antérieur ("... ou pire")

Revenons alors à la formule de l'étourdit. Elle a été écrite par Lacan dans la dernière séance du séminaire "... ou pire", le 21 juin 1972, c'est à dire, moins d'un mois avant la conférence ou Lacan lira (et datera) l'étourdit.

Elle fut écrite dans les termes suivants:

"Qu’on dise comme fait reste oublié derrière ce qui est dit, dans ce qui s’entend".

En somme, nous avons trois versions, avec des petites, mais peut-être significatives, variations de la même formule

...ou pire : " Qu’on dise comme fait reste oublié derrière ce qui est dit, dans ce qui s’entend"

L'étourdit : "Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend"

Encore : "le dire est justement ce qui reste oublié derrière ce qui est dit dans ce qu’on entend" (version VRMNAGRLSOFAFBYPMB et registre sonore).

Nous arrêtons ici nos commentaires sur cette formule (a partir d'ici il serait possible de commencer un exercice de lecture de la formule, à partir de ses trois versions; un exercice de lecture qui ne devrait pas négliger les intérventions de Recanati, tant à la séance précédente comme à la dernière séance du Seminaire "...ou pire", etc)

Ce que nous voudrions souligner est que les variations d’un concept, et surtout d’un mathème, en introduisant la diacronie, permettent de faire des réflexions très importantes, soit sur la construction du dit concept, soit sur ses limites, impasses, trouvailles, etc

Il n'y a donc pas de raisons pour "corriger" Lacan.

On pourrait penser, par exemple, que la construction de ce mathème verifiait, chez sons propre créateur, les hésitations propres de son établissement comme tel.

En somme, dans le champ de la psychanalyse, à différence de ce qui se passe dans le champ de la science, plutôt que des concepts il s’agit de pouvoir répérer les trajects de leur construction, tenant compte, justement, qu'une variation conceptuelle n’invalide pas le trajet précédent, mais, au contraire, l’enrichie

Par rapport à cela nous pouvons dire, alors, que mettre en suspens les traits de ces variations n'est pas sans conséquences pour le progrès du discours psychanalytique.

Exemple 2: Quand Lacan "se trompe" ¿vraiment?

À un moment donné, dans la version VRMNAGRLSOFAFBYPMB nous pouvons lire:

"Si j’en suis aujourd’hui à traîner dans l’ornière, l’inconscient comme structuré par un langage, eh bien tout de même qu’on le sache c’est que ça change totalement la fonction du sujet comme existant."

Dans la version Seuil Miller "corrige" Lacan en écrivant:

"Puisque j’en suis aujourd’hui à traîner dans l’ornière de l’inconscient structuré comme un langage, qu’on le sache – cette formule chante totalement la fonction du sujet comme existant." (page 25)

Si nous nous en tenons à la version VRMNAGRLSOFAFBYPMB (qui coïncide, de nouveau, avec l’enregistrement sonore) ce serait la seule fois que Lacan aurait changé le terme "comme", si important dans cette formule, par le terme "par"

Lacan s’est trompé? ¿Que faire?

On pourait coïncider avec Miller et dire que Lacan se serait "vraiment" "trompé"

Mais nous avons déjà constaté a combien de problèmes nous conduisent les "intentions" de faire "mieux" les choses. En fait, il y a même des dictons populaires qui nous rappelent que les chemins vers les pires tragedies sont toujours pavés des meilleures "intentions". Il ne faut pas oublier, par exemple, que dans cette même séance du seminaire, Miller a prétendu nous faire faire l’économie de penser que pouvait signifier la "submersion du désir", mais au prix de constituer cette séance en la seule référence où Lacan aurait parlé de "subversion du désir"

En somme, pour quoi ne pas laisser à chacun la tâche de juger ce que Lacan a dit?

Imaginons même le cas où il y aurait une opinion unanime de que Lacan, ici, s’est "trompé".
Cela n'empecherait pas d'être un enseignement, au sens de nous rappeler

Est-ce l’horreur de découvrir cette faille ce qui pousse à faire un version plus "ronde" et "propre" du séminaire?

Une fois de plus nous soulignons l'utilitée qu'aurait une édition critique qui permette les notes au pied de page, l'ajout de commentaires et reflexions, face à chacun de ces problemes.

Retournez a l'index des comparaisons

Volver al sumario del Número 13
Revista de Psicoanálisis y Cultura
Número 13 - Julio 2001
www.acheronta.org