Acheronta  - Revista de Psicoanálisis y Cultura
Une fiction de la psychiatrue
François Morel

L’enseignement ne laisse qu’une part très réduite sinon nulle aux questions épistémologiques tant la médecine est sûre d’elle-même dans sa saisie du réel. Il m’a paru néanmoins toujours étonnant que l’enseignement de la psychiatrie tende à faire passer son contenu sur le même plan que celui de la médecine somatique avec le même style de présentation, sur le mode de, à la même mode que celle-ci.

Une fiction de la psychiatrie ? J’avais d’abord pensé "la fiction de la psychiatrie", mais il n’en reste pas moins que la psychiatrie recouvre un champ assez vaste constitué d’une mosaïque de pratiques différentes qui excluent la généralisation. Le titre le plus approprié serait donc " une fiction d’une psychiatrie " mais il rendrait mal compte du fait que la psychiatrie dont je vais parler occupe maintenant une place dominante voire écrasante dans la pratique, la recherche et l’enseignement. Il s’agit de la psychiatrie telle qu’elle est théorisée, j’ose le dire : théorisée, à partir du DSM III, avec le soutien corrélatif des recherches menées dans le domaine de la psychiatrie biologique et la pharmacologie.

On peut se poser la question de l’intérêt d’un tel travail qui concerne la place de la psychanalyse dans le champ social, et donc éloigné de la pratique des cures. Il va tenter de rendre compte d’une difficulté récente de la psychanalyse dans son débat avec la psychiatrie. Il va également souligner le rôle fondamental du discours universitaire dans le champ social, bien au-delà de ce que son nom peut suggérer : discours qui se tient à l’université. Le repérage des effets de ce discours chez chaque sujet a une incidence dans la cure tant il renforce singulièrement les axiomes égologiques en les appareillant de sa technicité.

 

Clinique du signe et médiation de l’Autre

C’est à partir d’une phrase d'un patient psychotique que je voudrais introduire mon sujet:

"il y avait des voix qui venaient me parler"

qui du point de vue de la clinique psychiatrique moderne pourrait s’écrire :

clinique psychiatrique (patient) = a

ou en a peut se repérer l'hallucination qui en tant que phénomène de jouissance est expressément isolée du discours du patient. Cet isolement de la lettre a indique que l'implication subjective dans le rapport à cet hallucination n'est pas retenue. C’est la traduction de : " - Hallucinations acoustico-verbales " que l’on trouve dans les manuels de psychiatrie qui comme le DSM III utilise la méthode des critères.

On pourrait proposer de rendre compte de cette même phrase avec le point de vue de la clinique psychanalytique de cette manière:

clinique psychanalytique (patient)= (S1-->S2)? a

$

où l'implication subjective dans le rapport au phénomène de jouissance qu’est l'hallucination est expressément formulée, témoignant que l'hallucination a comme signe passe par la médiation de l'Autre, c'est-à-dire d'une articulation signifiante S1-S2 qui représente le sujet $, soit cliniquement ce que dit le patient.

On peut noter que Freud n'a jamais renoncé à l’abord de la clinique par la médiation de l’Autre et n'a jamais cédé à la tentation de l'observation naturaliste, même quand l’occasion s’en présentait, en particulier pour ce qui est de sa clinique de l'infantile. Son observation du jeu de la bobine n’aboutit pas ainsi à je ne sais quelle stadification sensori-motrice. Dans l’observation du jeu du Fort-Da (1), Freud repère la mise en rapport des jaculations signifiantes " o-o-o-o " et " Da " (que l’on peut connoter S1 et S2) avec le mouvement de la bobine (que l’on peut noter par a) . Ce qui correspond bien au mathème de la clinique analytique que l’on vient de présenter. On peut également faire la remarque que c’est un malentendu concernant au fond cette façon de cliniquer par la médiation de l’Autre qui inaugure le débat sur la sexualité féminine : l’exploration digitale de son orifice vaginal par une fillette, même dûment certifié, filmé, observé, reproduit ne dit strictement rien de la représentation signifiante qui s’en fait. C’est bien un malentendu sur des bases telles que l’on voit très bien qu’il s’agit dès l’origine d’un dialogue de sourds.

 

Clinique psychiatrique et discours du Maitre

Chez Lacan on trouve également dans ses choix psychiatriques une fidélité à une clinique qui respecte la prise du texte subjectif, l'enveloppe formelle du symptôme, vraie trace clinique dont nous prenions le goût. Il s'agit de la clinique de Clérambault, qu'il reconnaît pour son seul maître en psychiatrie, en qui il voit une récurrence de ce qu'on nous a décrit récemment dans la figure datée de la Naissance de la clinique (2). C’est pour lui une clinique plus proche de ce qui peut se construire d'une analyse structurale, qu'aucun effort clinique dans la psychiatrie française.

On peut remarquer deux points dans ce passage de 1966. D’une part il n’y a plus pour lui après-guerre d’élaboration clinique dans le champ psychiatrique  pas la moindre découverte . Dans son " petit discours aux psychiatres " (3), il va même faire de sa thèse sur paranoïa d’autopunition  la dernière pointe  de ce qui a pu se dire en psychiatrie, le premier des psychanalystes se pense également le dernier des psychiatres ! D’autre part, quand il s’agit de la clinique psychiatrique, Lacan fait référence explicitement à la fonction du Maître comme tel. La clinique psychiatrique n’est pas dissociable de la position du maître et Lacan ne découvre pas de maîtres en psychiatrie au delà des années 30. Nous y reviendrons.

J'ai donc fait remarquer en introduction la tendance fondamentale et de plus en plus accentuée dans la clinique psychiatrique à faire disparaître le sujet du signifiant au profit de cet isolement du signe, isolement qui permet de faire de grouper les malades authentifiés par ces signes. Ces groupements de signes assez arides forment l'ossature des nouvelles nosographies modernes dont le D.S.M. III (4) est la plus achevée. Comment s’est donc constitué ce poids grandissant du signe dans la clinique psychiatrique?

Le discours de la science oublie les faits historiques et on a pu un temps croire que les maladies mentales existent de toujours, repérées comme telles avec des signes de cet ordre. C'est depuis la thèse de Foucault sur l'histoire de la Folie qu'elles sont redevenues un objet de discussion entre historiens. On pourrait croire également que le statut du signe dans la pathologie médicale a toujours été le même, ce qui n'est pas du tout le cas.

Structure prémoderne de la nosographie

La thèse de Foucault à qui Lacan nous renvoie dans Naissance de la clinique est celle d’une mutation radicale de la fonction du signe à la charnière du XVIIIème et du XIXème siècle. Son analyse (5) montre que au XVIIIème siècle, siècle des Lumières auquel renvoie Lacan dans sa postface des Écrits (6) le signe dit précisément cette même chose qu'est le symptôme. Dans sa réalité matérielle le signe s'identifie au symptôme lui-même. Le symptôme est d'abord un élément signifiant qui ne devient signe que sous un regard sensible à la différence, à la simultanéité, à la succession. Il s'agit de l'analyse de Condillac mise en pratique dans la perception médicale. Le signe, c'est le symptôme lui-même , mais dans sa vérité d'origine. Il y a un isomorphisme de la maladie et de la forme verbale qui la cerne.… dans la clinique comme dans l'Analyse, l'armature du réel est dessinée d'après le modèle du langage. Pour médecins et philosophes le monde est l'analogon du langage.

On peut, je crois, rendre compte de cette structure prémoderne du savoir médical par le mathème du discours du maître:

S1->S2
$ • a

DISCOURS DU MAITRE APPLIQUE A LA NOSOGRAPHIE DES LUMIERES

$ est le symptôme en position de vérité, les symptômes sont la vérité de la maladie. La maladie n’avait de vérité que dans les symptômes, mais elle était les symptômes donnés en vérité.

S1, signifiant maître renvoie à l'être suprême, à l'idéal de "la langue bien faite" de Condillac, la Nature.

S2, le savoir-esclave de cette langue.

En a le corps qui occupe la position de ce qui est produit, déchet dans le discours du maître, le corps là ne joue pas un rôle déterminant puisque dans la clinique, il peut constituer un écran à la transparence de la maladie, définie par le libre jeu des signifiants qui la constitue. De même, la mort, du point de vue de cette nosographie est considérée comme un obstacle au libre épanouissement de la maladie.

Tout s’articule dans ce discours sauf le rapport entre $ et a soit entre la maladie et le corps, à l’endroit où Lacan place la barrière de la jouissance. Comme le souligne Foucault le rapport entre la maladie et la mort n’était pas vraiment pensé…n’avait été scientifiquement pensé ni structuré dans une percepttion médicale.

La nosographie du XVIIIème siècle est une tentative d'exhaustion signifiante de la maladie dont on voit les prémisses comiques dans le malade imaginaire de Molière où finalement le malade lui-même joue le rôle de gêneur dans les beaux discours tenus par les médecins, s’il se sauve de la mêlée ça ne change rien au débat. Il y a manifestement une dimension symbolique de la maladie : la maladie est un beau discours de la nature altérée. La nosographie philosophique de Pinel, qui deviendra ultérieurement le fondateur de la psychiatrie au moment de la Révolution en est une forme achevée. Et ce n’est donc pas de hasard que Pinel, d’abord médecin et auteur d’une monumentale " Nosographie philosophique ou La méthode de l’Analyse appliquée à la médecine " (7) soit en France le premier maître en psychiatrie et qu’inversement sa contribution au savoir médical ne s’équivale à rien.

Citons simplement dans sa nosographie le genre III du premier sous ordre de l’ordre premier de la classe quatrième de sa nosographie qui est le…Tintouin. On conçoit que si la nosographie était philosophique, il fallait également que le malade soit lui aussi bien philosophe. Encore les malades des Lumières ont-ils eu de la chance que Derrida ne soit pas né au XVIIIème et que Pinel n’ait pas essayé d’appliquer la méthode de la déconstruction à la médecine…

 

Structure de la nosographie médicale moderne et discours universitaire

Au début du XIXème siècle s'achève le changement épistémologique dans le champ de la médecine : le signe n'est plus le symptôme parlant, mais ce qui se substitue à l'absence fondamentale de parole dans le symptôme. Au XVIIIème siècle le signe était un symptôme lu et renvoyait à la maladie. Au XIXème siècle, le signe déjoue le symptôme devenu muet et renvoie à la lésion. Le nouveau savoir médical est ce qui perce, élimine l'écran symbolique des symptômes. Ce nouveau savoir n'exclue pas le corps. Au contraire, il le prend pour instrument, et a pour vérité une la mort. Qu'est-ce d'autre que l'anatomopathologie, sinon un savoir qui trouve sa référence véridique dans le corps mort?

Ici, c'est la structure lacanienne du discours dit universitaire qui va rendre compte de l’articulation de cette nouvelle modalité du signe.

STRUCTURE MODERNE DU SAVOIR MEDICAL

S1: la mort en position de vérité, le point d'Archimède de la lecture anatomo-clinique de la maladie, mort anticipée par les signes, révélée par la dissection. Le rapport entre la maladie et la mort bien sur connu au XVIIIème mais impensé (la mort ne participait pas à la vérité de la maladie dans le discours médical , devient la scientifiquement pensé : La mort qui…dit rétroactivement la vérité de la maladie (p. 162)…La mort comme point de vue absolu sur la vie et ouverture sur sa vérité…La source de la maladie dans son être même (p. 158)…La vie avec sa dureté réelle, la maladie comme possibilité de déviation trouvent leur origine dans le point profondément enfoui de la mort.

S2: le savoir des nouveaux signes qui investit, traverse de sa nouvelle visibilité a , le corps du malade devenu esclave, instrument du savoir passé à la commande. C’est l’anatomopathologie.

$ :en position de production, à la place de ce qui était en reste, en excès de jouissance du discours du maître (plus-de-jouir). Là, c’est un fait de structure très général, le sujet $ est écarté, et en rebut (ou plus-de-jouir) du discours scientifique. Il retourne au réel. On peut dire qu'il est en position de forclusion dans ce discours médical, ce qui est à rapprocher de l'effet de forclusion du sujet dans le discours de la science.

L'exclusion du sujet du signifiant propre à ce discours est une situation vérifiable et absolument courante dans la pratique médicale quotidienne. L’art du médecin consite à faire bien passer la pilule. Il doit, d'une part, faire fonctionner la nouvelle structure du savoir médical, c'est-à-dire repérer ces nouveaux signes bizzares sur et dans le corps que la médecine d'avant ignorait le plus radicalement, et qui ne sont le signe d'aucun sujet. Et ce médecin, d'autre part, a également à laisser son patient essayer de continuer à soutenir sa position de sujet, alors que la considération du sujet est structuralement impossible dans ce qui fait l’os, si j’ose dire, de son art. Ce n'est pas si simple, ça génère un malaise, d'où les séminaires de formation à la relation médecin-malade qui soulignent de façon caricaturale et parfois culpabilisante cette division qui s'opère chez le sujet médecin dans son acte. Chaque sujet médecin y est confronté. Un analysant qui fait de la médecine générale me disait :

"Tant que c'est dans le domaine technique, je suis à mon aise. Mais quand c'est le domaine de la douleur morale, de la mal-vie je ne suis pas à mon aise. Comment marquer le respect que l'on a pour le corps de l'autre? Le corps de l'autre me fait plus penser à un objet qu'à quelque chose de semblable à moi., dans la façon de palper, j'en sais rien, dans la façon d'être.. Il me semble que les patients ont beaucoup de patience pour me supporter".

Si j’ai beaucoup insisté sur la médecine, c’est parce que Foucault voit dans la structure de ce nouveau savoir une notion très généralisable, il voit précisément la disposition anthropologique qui soutient toutes les sciences humaines.

 

Structure de la nosographie psychiatrique moderne

Comment situer le statut de la clinique psychiatrique vis à vis de ces deux structures conceptuelles successives du savoir médical? La thèse de Bayle (1822) qui décrit notamment les lésions anatomocliniques de la paralysie générale (manifestation de la syphilis nerveuse qui remplissait alors les hôpitaux), ouvre la voie à l'espoir de voir l'ensemble des maladies mentales rejoindre la médecine. La nosographie et partant les signes de la clinique psychiatrique subissent dès lors et jusqu'à nos jours l'influence essentielle de cette nouvelle structure de discours régissant le savoir médical. Néanmoins malgré cela, c’est le discours du maître qui a prévalu dans le registre de la psychiatrie jusque, disons pour ne pas ergoter, à la thèse de Lacan. C’est dans le discours du maître décrit pour la médecine pré-moderne, caractérisé par l’isomorphisme de la maladie et de la forme verbale qui la cerne que Lacan trouve ce qu’il appelle la fidélité à l’enveloppe formelle du symptôme, symptôme dont la matérialité est fondamentalement langagière. Il y a bien sur une opacification de la vérité par le présupposé chez tous ces maîtres que leur description n’est dans le fond qu’une anatomie pathologique projective qui attend que sa vérité anatomoclinique se dévoile un jour.

Mais ce qui sera réellement retenu chez ces maîtres (comme Kraepelin ou Clérambault), leur trésor clinique, résidera non pas dans leurs hypothèses physiopathologiques, leurs statistiques fumeuses, leurs courbes de poids, leurs photos, mais dans la solide charpente langagière de leurs descriptions cliniques. La pression du nouveau discours médical pourtant vieux déjà de 150 ans n’a pas réussi jusqu’à la guerre à effacer la production des discours du maître dans le champ de la psychiatrie. La fidélité persistante de la clinique à la structure langagière rend bien compte du fait que les psychanalystes aient trouvé et trouvent encore une articulation, un lieu de débat, de lecture possible de cette psychiatrie. En effet, le savoir de Maître rend compte, au moins partiellement de la structure du sujet (hormis sa division par le fantasme qui est opaque).

Ce dialogue entre la psychanalyse et la psychiatrie peut donc actuellement continuer, à l’unique condition de se référer au style de cette clinique qui date déjà de longtemps, d’un discours révolu.

Mais tout ça, c’est sans compter la naissance contemporaine de celle de l’Ego-psychology et de la pharmacothérapie d’une clinique qui parviendra à évacuer l’écueil langagier de la précédente.

C’est du moins comme ça que j’interprète la critique par Lacan de la sémiologie moderne dont il dit qu’elle est toujours plus engagée dans les présupposés raisonnants (8). Dans le même sens, il parle dans " D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose " du postulat psychologique d’une unité subjective, d’un fond théorique qui se donne comme psychologie (9). C’est cette supposition indéracinable de l’Ego qui est le soutien véridique du discours universitaire, la fiction de la psychiatrie moderne.

Les travaux récents en matière d’imagerie médicale (scanner cérébral des schizophrènes, etc) ne dépassent pas le niveau d’un " remake " au vingtième siècle d’une phrénologie cérébrale. Ces travaux contribuent néanmoins par leur caractère véritablement envahissant à obscurcir complètement la position du sujet pourtant déterminante dans la clinique mais ils ne peuvent véritablement s’assumer comme le postulat véridique de cette nouvelle clinique à moins de faire postulat d’ hypothèses les plus variées.

A défaut de produire une anatomie pathologique de la folie qui tienne le coup, c’est donc l’Ego qui va remplir le rôle que la mort avait joué dans le discours moderne de la clinique. C’est ce que nous allons tenter de décrire avec la structure du discours universitaire appliqué au DSM III.

NOSOGRAPHIE PSYCHIATRIQUE ET DISCOURS UNIVERSITAIRE

S1 : le signifiant-Maître en position de vérité absolue, non dialectisable. Non plus la mort, " point de vue absolu sur la vie et ouverture sur sa vérité " mais l’APA, fidélité interjuge et consensus, garantie de l’athéoricité. Non plus la mort comme condition du regard sur la vie, mais la transparence du " on se comprend ". L’Ego normatif des psychiatres américains règle ce qu’il en est de l’appréciation de la pathologie mentale, en est l’étalon de mesure, le sens abolu (10). C’est bien le postulat de l’Ego, la Je-cratie dont Lacan parle dans l’Envers de la psychanalyse. C’est une structure qui met évidemment à mal tout les discours préexistants en psychiatrie.

S2: Le repérage clinique sur ce fond hautement véridique se fait par la méthode des critères, technique de réduction du discours du patient à des signes pertinents. Dans "Fonction et Champ de la parole et du langage en psychanalyse" (11) se trouve une critique en règle du ravalement du langage au langage-signe qui est en pratique dans l'ego psychology des héritiers anglo-saxons de Freud. C'est le langage-signe qui permet d'accorder plus de crédit à un borborigme viscéral pendant la séance qu'au reste de ce qui est dit. Le langage-signe, comparable en sa structure au langage des abeilles, est fondamentalement méconnaissance et même technique de méconnaissance de la médiation de l'Autre symbolique, ravalement de la demande symbolique au besoin imaginaire. C'est au titre permanent de sa fonction de signe que le discours du sujet est dévalué (12)

a : le plus-de-jouir. L’être du malade dans lequel vient s’investir ce nouveau savoir qui l’appareille et l’évalue méthodiquement en ravalant la dialectique du signifiant au niveau d’un langage-signe.

$: c’est là le point essentiel sur lequel je tenais à en arriver, on n’est plus là à l’Envers mais à l’exclusion de la psychanalyse éliminée fondamentalement. C’est la preuve que la psychiatrie moderne s’est séparée radicalement et récemment (dans ces cinquante dernières années) de ce qu’elle autrement soutenait. L’hégémonie du DSM III n’est que le témoin achevé de la séparation de la psychiatrie d’avec le sujet.

Pour conclure j’illustrerai ce que je viens de dire une brève anecdote clinique de nos temps modernes.

 

Conclusion : un dialogue entre collègues de nos jours

Je me souviens d’une patiente chez laquelle je n’avais pas entendu dans ce qu’elle disait de moyens qui lui permettent de s’affranchir du désir de l’Autre. Le lien social lui apparaissait comme un écrasement douloureux et permanent. Fondamentalement elle ramenait tout cela à une faute incestueuse avec son frère commise dans l’enfance, faute somme toute assez banale mais qui, chez elle faisait retour sans que cela puisse s’effacer d’aucune façon. J’avais fini par déduire après un débat conséquent confrontant pratiques analytique et psychiatrique que sa structure était psychotique et proche de la mélancolie : elle était la jouissance revenue au lieu de l’Autre et effectivement elle pensait qu’il fallait donc s’éliminer. Je l’ai hospitalisée face à sa menace suicidaire. De l’hôpital elle m’a téléphoné angoissée pour me dire qu’elle était incluse dans un essai thérapeutique, que cela lui faisait peur mais qu’elle n’osait pas le dire. Je lui dit qu’elle n’y était absolument pas contrainte et qu’il suffisait de dire qu’elle n’y tenait pas. Une heure après, elle me rappelle pour me dire que l’interne lui avait répondu qu’on allait tout de même démarrer le protocole, le chef de service la rassurerait bien un peu plus tard, et que des évaluations cliniques ont donc commencé sur le champ. J’ai alors appellé l’interne pour formaliser le refus de ma patiente, ce qui s’est passé tout à fait courtoisement. Puis je lui ai lancé une perche, lié à mon questionnement sur son cas. " Qu’est-ce que vous en pensez cliniquement ? ". " Ah, je peux vous le dire maintenant, je viens de remplir son protocole, c’est un Trouble dépressif majeur d’intensité modérée sur Trouble de la personnalité d’intensité modérée ".

Merci, l’oncle Sam!

 

Notes

(1) S. Freud, Au delà du principe de plaisir, Essais de Psychanalyse (1920 ),p 49-56, Petite Bibliothèque Payot, 1981.

(2) J.Lacan, Écrits, de nos antécédants, p. 65

(3) J. Lacan : " Petit discours aux psychiatres ", prononcé le 10 Novembre 1967 au cercle d’études psychiatriques sous le patronage de Henri Ey.

(4) American psychiatric association, DSM III, Masson, 1980.

(5) Michel Foucault, Naissance de la clinique, chapite VI : "des signes et des cas", p. 87-105,col. Galien, PUF

(6) J.Lacan, Écrits, Seuil, dernière page de couverture

(7) Ph. Pinel, Nosographie philosophique ou la méthode de l’Analyse appliquée à la médecine, 1818.

(8) J.Lacan, Écrits, de nos antécédants, p. 65, Seuil

(9) J. Lacan, Écrits, D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose, p. 531.

(10) J. Lacan, Le Séminaire, L’envers de la psychanalyse (69-70), p. 70, Seuil.

(11) J. Lacan, Écrits, Fonction et Champ de la parole et du langage en psychanalyse",p.237-322, (1953)

(12) J. Lacan, Écrits, Variantes de la cure-type, voir p.337

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Revista de Psicoanálisis y Cultura
Número 5 - Julio 1997
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